LA
GUERRE DE POSITION (fin 1914 -
septembre 1918) et les importantes destructions qu'elle a entraînées en Meuse
"Nous
pénétrons dans le village, derrière le sergent. Le sol que nous foulons est
feutré de fumier éparpillé par les obus. Gonflé d'eau, il étouffe le bruit
de nos pas. Mais souvent, une grande tuile mince, arrachée d'un toit et tombe
dans cette jonchée, se brise avec un craquement net mus la pesée d'une
semelle. "Attention ! Rue barrée !" Des herses, des charrues, de
grands râteaux à deux roues, grêles comme des faucheux, des ridelles de
guimbardes, une tapissière à tablier de cuir, un tarare au flanc crevé, des
échelles, des brouettes, tout un bric à
brac d'instruments agricoles et de véhicules, cassés, disloqués, fracassés,
s'entasse et s'enchevêtre devant nous, barrant le passage d'un mur à
l'autre. Des fils de fer, autour de ce chaos, rampent et se nouent, hérissés
d'ardillons. "Oblique
à gauche, dit le sergent. Y'a un passage derrière une bagnole. Faut aller
doucement, un par un, et faire attention aux barbelés..."Ceux
de 14 - Nuits de Guerre.
Maurice GENEVOIX
Fin septembre s'établit un front continu, jalonné en gros et d'ouest en est par VARENNES, le ruisseau de FORGES, CONSENVOYE, ORNES, FRESNES-EN-WOEVRE, VIGNEULLES, SAINT-MIHIEL, AILLY, APREMONT, XIVRAY ET MARVOISIN, front qui ne subira pas de changements notables jusqu'en septembre 1918, exception faite de gains de terrain relativement limités obtenus en 1916 par les Allemands sur les Hauts de Meuse, et sur la rive gauche de la Meuse au sud du ruisseau de FORGES, gains de terrain en grande partie annulés dès fin 1916 sur la rive droite et en 1917 sur la rive gauche.
L'objet
de cette étude portant essentiellement sur les "misères de la
Guerre" en Meuse, nous nous limiterons à une très brève description des
opérations, notre objet essentiel étant le martyre de nos villes et de nos
villages.
les
principales opérations de guerre, de fin 1914 à début septembre 1918' peuvent
se résumer comme suit en Meuse :
Combats
en Argonne (1915)
Les
Combats à VAUQUOIS et aux EPARGES (1915)
La Bataille de VERDUN (21 février 1916 - décembre 1916) et les combats de reconquête sur le rive gauche (août 1917)
En
forêt d'Argonne
Avant la bataille de la Marne, les deux adversaires ont évité de s'engager en forêt d'Argonne. Fin septembre, ils estiment nécessaire d'assurer des liaisons solides entre leurs Grandes Unités engagées, d'une part, à l'Ouest en Champagne, d'autre part, à l'Est dans la vallée de l'Aire. Les Allemands sont dans cette entreprise au moins initialement les plus dynamiques. Ils engagent dans la forêt deux divisions en vue de s'assurer la maîtrise de l'itinéraire Varennes Le Four de Paris, avec probablement l'arrière pensée d'engager ultérieurement des forces importantes dans le flanc droit de notre IVème Armée, engagée en Champagne.
Des combats sanglants s'engagent alors sur les Hauts Lieux qui demeureront tristement inoubliables : La Haute Chevauchée, le Four de Paris, Bolante, Courte Chausse, La Fille Morte ... et en Argonne Champenoise : La Harazée, La Gruerie, Bagatelle ...
Ils
se poursuivent en 1915. Le 13 juillet, les Allemands déclenchent une puissante
attaque, dont les résultats sont peu significatifs, eu égard aux pertes. Le
14, SARRAIL croit opportun de lancer une contre offensive qui est un échec sanglant
et qui motive sa relève ...
La localité meusienne la plus éprouvée au cours de ces combats est LACHALADE qui est totalement détruite
Vauquois
- Les
Eparges
La butte de VAUQUOIS, à l'Ouest, l'éperon des EPARGES à l'Est ont eu un destin curieusement parallèle, tout au long de la guerre.
Observatoires de premier ordre, ils ont été tous deux occupés par les Allemands au cours de la dernière décade de Septembre 1914, puis sérieusement fortifiés par eux. Le Haut Commandement Français en saisit l'importance, un peu tardivement peut être.
L'occupation de VAUQUOIS par les Allemands permet en effet à ceux ci d'intervenir par leurs feux d'artillerie sur la voie ferrée CHALONS-SUR-MARNE VERDUN dans la région d'AUBREVILLE, interdisant ou limitant fortement les capacités logistiques de cet axe important pour VERDUN.
La présence des Allemands aux EPARGES, en raison des vues dominantes qu' il donne sur les accès aux côtes de Meuse, d'ETAIN à VIGNEULLES, était également d'importance primordiale pour la place de VERDUN menacée d'étranglement par le Sud. Le même jour, le 17 février 1915, de puissantes attaques sont lancées sur ces deux positions clés, avec un double objectif : leur reconquête et une diversion à l'offensive française de Champagne. Ici et là, l'attaque est menée en exploitation de mines souterraines.
A VAUQUOIS, c'est l'échec. L'attaque devra être reprise le 28 février et sera poursuivie jusqu'en avril. Après des combats acharnés, les Français réussiront à s'accrocher à la crête mais sans pouvoir en rejeter les Allemands. Les deux adversaires resteront face à face, à quelques dizaines de mètres l'un de l'autre, mettant en oeuvre des mines souterraines (au total plus de 300)(La plus importante fut mise en oeuvre par les Allemands en Mai 1916. Elle est estimée à 60 tonnes d'explosif et causa la mort d'une centaine de soldats du 46e RI.) qui causeront des pertes humaines importantes sans permettre de gains de terrain significatifs.
Les Allemands s'installent alors dans des casernes souterraines équipées (électricité, téléphone) dont les galeries longues de plus de dix kilomètres, existent encore en grande partie aujourd'hui. Bien avant la fin de la guerre, le village de VAUQUOIS, qui couronnait la butte, a totalement disparu, littéralement réduit en poussière.
A EPARGES, l'attaque initialement lancée (le 17 février) sur le point C (à l'ouest) également en exploitation de mines, eut d'emblée quelques succès. Elle se poursuivit, les jours suivants sur le point X (à l'est, qui domine la plaine de Woëvre) et sur la "courtine" qui relie ces deux bastions.
Les combats d'avril, particulièrement sanglants, livrés dans un enfer de feu, dans la pluie et la boue, devaient assurer aux Français la possession de l'essentiel de la ligne de crête. Mais là comme à VAUQUOIS, l'Allemand s'accrochait à la contre-pente et les combats devaient s'y poursuivre jusqu'en septembre, marqués par la terrible guerre de mines dont nombreux cratères témoignent encore aujourd'hui.
La hauteur des EPARGES et VAUQUOIS devaient être totalement et définitivement reconquis au cours des deux offensives lancées par les unités américaines, la première lors de la réoccupation du saillant de SAINT-MIHIEL (12 au 15 septembre 1918), la seconde lors de l'attaque sur la direction de MONTFAUCON (26 au 28 septembre), lancée dans le cadre de la grande contre offensive alliée qui devait mener à la Victoire. Si en 1916, VAUQUOIS et les EPARGES sont restés hors du champ de la "Bataille de VERDUN" proprement dite, il n'en est pas moins évident que ces deux Hauts Lieux ont joué un rôle de charnière essentiel, d'importance cruciale aux ailes, dans une "Bataille pour VERDUN".
Les
combats qui les concernent eurent leurs temps forts en septembre 1914, et au
printemps 1915, mais ne trouvèrent leur conclusion victorieuse qu'en septembre
1918. Ces combats devaient conduire à de nombreuses destructions ici et là :
celle de VAUQUOIS, totale on l'a vu, de VARENNES
et de nombreux villages des
environs, des EPARGES, de COMBRES et des villages voisins.
La
Bataille de VERDUN
Nous avons tenté de démontrer comment, en un sens et pour l'essentiel, la guerre en Meuse, avait été tout au long une "Bataille pour VERDUN".
La Bataille de VERDUN ( plan de la bataille)de 1916 marque par le tragique paroxysme des combats l'importance de l’enjeu. On la qualifie, à juste titre, de "plus grande bataille de l'Histoire"... Elle se développe sur un front en arc de cercle de 30 km environ, allant du Fort de Tavannes à l'Est, à AVOCOURT à l' Ouest.
Ne perdant pas de vue notre objet : la mise en évidence des sacrifices de nos Cités, nous nous contenterons d'un très bref exposé mettant en relief les grandes phases de cette bataille. Déclenchée par les Allemands, le 21 février 1916, sur la rive droite de la Meuse, elle s'étend en Mars à la rive gauche.
Les premiers jours de l'offensive allemande sont marqués par la résistance héroique du Colonel DRIANT et de ses chasseurs au Bois des Caures, par la perte successive des villages de HAUMONT-LES-SAMOGNEUX, BEAUMONT, LOUVEMONT, de la Côte du Poivre, du Fort de Douaumont, qui, désarmé, est pris sans coup férir.
Les villages d'ORNES, BEZONVAUX, BRABANT, SAMOGNEUX, l'ouvrage de HARDAUMONT, sont également occupés par l'ennemi.
En mars et avril, l'attaque s'étend à la rive gauche et une violente bataille s'engage au sud du ruisseau de FORGES, dont l'enjeu est CUMIERES, la Côte de l'Oie, la Côte 304, le Mort-Homme, le Bois d'AVOCOURT...
En mai-juin, on assiste à une sorte de bataille d'usure d'une vive intensité, aux sanglantes conséquences : sur la rive droite dans le ravin du Bazil, autour du Fort de Vaux (qui tombe le 7 juin) et sur la rive gauche : au Mort-Homme à la Côte 304.
Le 23 juin, les Allemands engagent leurs unités d'élite : le corps alpin et les divisions bavaroises sur un front limité allant des carrières d'HAUDRAUMONT au Fort de SOUVILLE, en passant par FLEURY, village dont les ruines sont âprement disputées. L'assaillant qui n'a obtenu que des gains de terrain limités, relance son offensive le 11 juillet à hauteur de FLEURY et en direction du Fort de SOUVILLE. Mais il est à bout de souffle et dès la mi-août, nos Poilus entament une dure mais inexorable reconquête.
Au
cours de l'automne, nos deux grands forts sont repris, celui de DOUAUMONT, le 24
octobre, celui de VAUX le 02 novembre. Enfin, en août 1917, l'essentiel du
terrain perdu sur la rive gauche est reconquis.